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Musique

Conte de "l'Hêtre de plumes"

 

Mon premier geste matinal : j’ouvre les volets et je respire à pleins poumons cet air qui sent encore la fraîcheur de cette nuit d’automne,  d’herbe et de terre humide. Dans quelques heures, le pâle soleil va s’amuser à composer un arc-en-ciel sur les milliers de gouttelettes de rosée qui se balancent lentement au gré du vent léger de cette matinée.

 

Quelle belle journée en perspective ! L’occasion de s’occuper du jardin avant que l’hiver n’engourdisse la nature et nos amis des champs et forêts.

 

En pensant cela, je réalise justement qu’aucun signe de vie ne me parvient. Pas un bruissement d’aile et les branches des arbres semblent délaissées. Que se passe-t-il ? Mais ce n’est pas un silence inquiétant. C’est un silence de paix que l’on perçoit, non  prémices de violence ou de catastrophe. J’écoute ! J’observe !

 

Un imperceptible bruit me parvient et dans l’instant passe devant mes yeux une plume blanche immaculée. Je la suis du regard. Elle se dirige vers le bois derrière la maison. Je le connais ce bois : c’était la ballade préférée de ma chienne. Il y a beaucoup de hêtres par là. Quant à la plume, je ne sais d’où elle vient ni qui elle est. Elle vogue doucement, majestueusement. J’essaie de la saisir au passage mais en vain. Elle m’échappe, comme si elle avait une mission importante à accomplir et il me semble que l’on me murmure tendrement :

 

- « Pas maintenant ! plus tard ! Sois patiente» ! 

 

Mon jardin attendra ! J’ai l’impression de vivre un moment magique, mystérieux, plein de douceur. Je déguste ces instants de plénitude.

Et brusquement…

 

- «Je sais qui tu es» dis-je : «UNE PLUME D’ANGE» !

 

Elle se tourne vers moi :

 

- «C’est bien ! Mais tu ignores quelle est ma mission ? Prends soin de toi. Je crois que nous allons nous revoir».

 

Puis elle repart, atteint la forêt, je ne la vois plus. Ai-je rêvé ?

 

Non ! Une autre plume m’effleure le visage. Ses couleurs scintillent sous les rayons du soleil qui s’est maintenant levé pour lui faire honneur. Et il a réussi : elle ondule pour que j’admire sa beauté me semble-t-il, tout en se dirigeant, elle aussi, vers la forêt. Cette fois je n’essaie pas de la saisir. 

 

- «Je sais qui tu es» dis-je à nouveau : «UNE PLUME DE PAON» ! 

 

- «C’est bien !  Je te prie de m’excuser mais j’ai un rendez-vous  vital. Prends soin de toi. Je crois que nous allons nous revoir ».

 

Mais si je rêve ! Dis-je à voix haute. Il est impossible que des plumes parlent ?

-

« Et pourquoi pas !» me répond une plume, disons  beige-blanche  en me caressant  la joue en passant. Elle se tient plus droite que les deux autres et se déplace plutôt en zigzagant elle aussi vers la forêt.

 

- «Je sais qui tu es : UNE PLUME D’OIE» !

 

- «C’est bien ! Mais je dois me dépêcher !  Prends soin de toi. Je crois que nous allons nous revoir».

 

Heureusement que je suis  seule, on me prendrait vraiment pour une folle.

 

- «Certainement !» me rétorque une plume blanche-bleutée. «Car il n’y a que toi qui puisse nous comprendre. Vous autres humains n’entendez que nos chants auxquels vous donnez des noms quelquefois bizarres : il pépie, gazouille, siffle, c’est joli. Mais croule, bubule et j’en passe… étonnant ! Bon ! Il faut que j’y aille, ma collègue m’attend».

 

Elle se dirige vers la forêt, ondulant presque comme la Plume d’Ange.

 

- «Je sais  qui tu es : UNE PLUME DE COLOMBE».

 

- «C’est  bien» me dit-elle en se retournant. Prends soin de toi. Je crois que nous allons nous revoir.

 

Je ne m’étonne plus quand surgit devant moi une plume marron-beige. Je dis bien « surgit ». Elle me frôle le nez au point de me faire éternuer.

 

- «Je suis désolée ! Je viens de loin,  je suis très fatiguée et je suis un peu en retard. Prends soin de toi. Je crois que nous allons nous revoir». La voilà partie comme une flèche vers la forêt. J’ai à peine le temps de lui crier :

 

- «Je sais qui tu es : UNE  PLUME DE PIGEON» Mais elle ne m’a pas entendue.

 

Où vont donc toutes ces plumes ? Qu’ont-elles de si important à faire ? Je regarde vers le ciel tout en me posant ces questions. A quelques mètres au-dessus de ma tête je vois… une envolée de plumes se dirigeant également vers la forêt : des bleues, des brunes, des noires, des rouges… J’en reconnais quelques-unes : plumes de merles, de mésanges, de rossignols, de simples moineaux et elles sont si nombreuses ! Certaines ont l’air de gambader joyeusement dans les airs, d’autres se déplacent bien en ligne, contrairement à d’autres qui se déplacent  presque comme une escadrille. Mais toutes se dirigent vers la forêt.

 

- «Je sais qui vous êtes : on vous appelle LES OISEAUX DU CIEL».

 

Et dans ce nuage soyeux de plumes il me semble entendre :

 

- «C’est bien ! Prends soin de toi. Je crois que nous allons nous revoir. Mais il faut y aller à tire d’ailes,  l’heure de notre rendez-vous est proche.

 

Abasourdie, j’attends encore quelques minutes, peut-être quelques heures. Je n’ai plus la  notion du temps mais… plus rien ! Plus une plume ! Tout est en ordre ! J’entends à nouveau distinctement caqueter  les poules du voisin, aboyer un  chien pas très loin de moi. Le bruit d’un moteur

d’ avion : je peux suivre son trajet car il laisse une trace blanche dans le ciel… D’accord ! Tout semble normal ! Mais je suis certaine de ne pas avoir rêvé. Je  prends donc la direction des bois, nez en l’air, oreilles attentives au moindre bruit. Je piste ! Rien ! Je commence à perdre espoir et à me dire que finalement c’était bien un beau rêve, certes, mais un rêve. 

 

Déçue quand même !

 

- Allez ! Fais demi-tour et occupe toi de ton jardin, l’air d’ailleurs devient plus frais. 

 

- « Non ce n’est pas le vent » me disent les moineaux. "C’est nous !  Tu es presque arrivée. Nous t’attendons".

 

J’essaie bien de les suivre mais… Nous n’avons pas le même moyen de locomotion. Bref ! Au bout  de quelques centaines de mètres je me trouve nez à tronc avec un hêtre plutôt impressionnant par sa stature et en levant les yeux vers son sommet je reconnais toutes ces plumes qui "froufroutent"  pour me souhaiter la bienvenue.                                                                                                 

 

- « Nous étions certaines que ta curiosité te mènerait jusqu’à nous» me dit la PLUME D’ANGE en souriant. « Mais je dois t’avouer, puisque je représente  LA  VERITE, que toute cette mise en scène était en fait l’objectif  souhaité ».

 

- « Mais pourquoi moi ? Et pourquoi ? »

 

- « Je vais répondre à ta première question. Evidemment tu habites à la campagne et c’est plus facile pour toi que pour les citadins. Tu vis proche de la nature donc de nous. Tu nous écoutes chanter le matin au lever du soleil et qu’il fait bon vivre. Tu t’étonnes  et  t’inquiètes si nous avons du retard. Quand il fait très chaud, tu nous apportes de l’eau  fraîche et des graines quand il fait très froid . Nous  sommes tes ami(e)s  et tu es la nôtre. Quand je dis TU il s’agit de vous tous, les Humains des campagnes et des villes ».

 

- « J’ajoute » dit LA PLUME DE COLOMBE, moi qui représente LA PAIX, que nous faisons abstraction de ceux qui, pour leur propre plaisir uniquement, nous chassent et nous tuent ».

 

- « Donc » ! Reprend la Plume d’Ange, « depuis les Temps que nous vivons en  totale harmonie, (sauf exceptions comme le soulignait la Plume de Colombe), nous avons envisagé d’organiser  un spectacle mondial, grandiose, avec toute la gente ailée qui d’ailleurs, est  on ne peut plus enthousiaste et prête à se donner à fond. J’exclus évidemment les prédateurs. Que penses-tu de ce projet ? »

 

- « Extraordinaire ! Vous nous proposez du rêve jusqu’à la fin de nos jours et à partager  avec les  générations futures. Mais : nous croiront-elles ? Et qu’attendez-vous de moi ? ».

 

- « A la fin de l’automne, comme vous le savez,  nous ne pouvons  plus beaucoup chanter. Nos cordes  vocales sont fragiles : nous devons les protéger de l’hiver. Alors, pendant ce temps, soyez  attentive  aux propos tenus pour vos semblables et dites-nous s’ils regrettent nos concerts et attendent avec impatience le retour du printemps. Revenez sous ce même hêtre tout au début du printemps et murmurez simplement au tronc «nous vous attendons ». Ce message nous sera transmis aussitôt.

 

- « Et après » dis-je ?

 

- «Plume d’Ange et moi-même» dit la Colombe, «assurerons l’organisation de ce magnifique concert. Vous allez comprendre, c’est assez simple. Si nous le prévoyons pour l’été, nous avons  tout le printemps pour répéter : faire nos  vocalises et… mettre en valeur nos habits de plumes».

 

- «A ce propos» demandais-je «pourquoi des plumes et non vous en plumes et en os ?»

 

- « Rappelez-vous « Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock » : la panique dans tout le pays ! D’ailleurs  je désapprouve totalement ces agissements d’assassins » répond Plume de Colombe. « Je crois que notre jeu de plumes  est  par contre très apaisant, incitant à la confiance. La preuve… c’est que vous êtes là et  non cachée, tremblante, je ne sais où », me répond-elle d’un petit air ironique.

 

- « Je comprends ! Mais comment allez vous lancer (si je puis dire) les invitations ?»

 

- «Toujours question d’organisation» clament en chœur la Plume d’Ange et la Plume de Colombe. 

 

- "Là, chacune a son rôle à jouer » enchaîne la Plume de Colombe."Nous avons déjà lancé, avec l’espoir que cela soit positif, un appel de fonds de plumes. Nous en avons récolté… des milliers. Et ce n’est pas fini ! Le succès total ! Voilà donc la suite de notre projet :

 

  • La Plume d’Oie reprend son métier premier : elle inscrira «INVITATION CELESTE » sur  chaque plume ;

 

  • Puis les oiseaux du ciel auront pour mission, le matin du spectacle, de faire entendre leur plus belle voix  tout en glissant dans la boîte aux lettres la Plume d’Invitation. Et ne vous inquiétez pas, chaque plume une fois saisie, est chargée de vous mener, tout en douceur, vers le lieu du rendez-vous ».

 

  • «De plus» enchaîne la Plume d’Oie, «la Plume de Pigeon, dont les ancêtres étaient de grands voyageurs, doit sillonner les cieux et veiller à ce que tout  s’enchaîne parfaitement afin qu’il n’y ait aucun incident et aucun retard».

 

- "J’ajoute" dit la Plume de Paon faisant la roue et d’un ton un peu précieux «que je ferai partie du voyage : ma beauté ne peut que fasciner ».

 

- «Mai oui ! On sait que tu es le plus beau» rétorquent  les Plumes du Ciel en se moquant gentiment de lui.

 

- « Et la magie, NOTRE MAGIE puis-je dire, intervient : au fur et à mesure que vous avancez, nos plumes de mille couleurs se transforment  en oiseaux. Imaginez : chaque plume  retrouve son identité et arrivée au-dessus de notre arbre sacré, nous formons un splendide arc-en-ciel d’où vous parvient un concert de mille chants. N’est-ce pas une magnifique idée ? »

 

- «Merveilleuse» dis-je !  «Je vais m’atteler dès maintenant à la tâche que vous m’avez  confiée. J’ai hâte de vous retrouver pour cette journée féérique ».

 

Soudain, quelque chose me chatouille. Une plume retardataire ? J’ouvre les yeux :  une coccinelle  fait lentement l’ascension  de ma  joue. Elle ne fait pourtant pas partie du décor ! 

 

Je constate que je suis toujours à la fenêtre et j’entends à nouveau distinctement les bruits familiers de ma campagne… même le chant des oiseaux maintenant.

 

- «Tiens» !  Sur le sol une plume :  d’Ange ? de Colombe ? Qu’importe ! Elle se laisse saisir cette fois. Il faut toujours ramasser une plume. Elle ont parait-il une valeur de protection, de guide. Quel cadeau du ciel ! Mais les autres, où sont elles ?»

 

Dans mon rêve, car ce n’était malheureusement  qu’un rêve. Mais quel rêve ! Le seul dont je me souviendrai  jusqu’à la fin de mes  jours. Et pour peu que je le raconte à mes enfants, à  leurs  enfants, de génération en génération, nos amis les oiseaux finiront peut-être par nous faire cet honneur… et réaliser ce rêve.

 

Oui ! Quel magnifique cadeau du ciel ce serait !

 

 

 

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QUAND LES PINCEAUX S’EN MELENT !

 

 

 

Je suis maintenant persuadée que nous ne sommes pas maîtres de nos pinceaux,  contrairement à ce que nous aimerions croire, mais que ce sont eux qui, non seulement nous inspirent mais guident également notre main.

 

Vous en serez convaincus lorsque je vous aurai narré l’étrange histoire de nos toiles à la suite d’une séance, je précise même, de début décembre.

 

Nous étions 6, travaillant chacune un sujet différent : des danseurs, un cheval, un  nu, un chat, un bateau, une vieille femme mongole et une esquisse de visage de touareg.

 

En dehors de cette esquisse, tous étaient, je peux dire, « bien avancés ».

 

En partant, nous avions laissé nos chevalets à leur place et les peintures en l’état pour la semaine suivante.

 

En ouvrant la porte de l’atelier ce jour là, nous avons ressenti  une curieuse impression de quelque chose d’anormal. Et oui ! Les chevalets n’étaient plus à la même place ! Régnait également  une ambiance bizarre mais non de violence, plutôt de gaîté.

 

Sortant après quelques minutes de notre ahurissement compréhensible, nous avons compris  le message : nos peintures voulaient représenter UN TABLEAU DE LA VIE ! 

 

Nous ne l’avons pas deviné. Nous l’avons ressenti  en analysant cette scène stupéfiante que voici :

 

Les  danseurs étaient juchés sur le dos du cheval. Ils semblaient heureux et apprécier de ne plus être sur des planches  mais faire corps avec l’animal. Quant à lui, crinière au vent, détaché je pense par les danseurs, il trottait allègrement dans le pré voisin  pour remercier  ses hôtes du moment.Un superbe spectacle de cirque, et pourquoi pas, un magnifique tableau champêtre proposé malicieusement par ces farceurs de pinceaux !

 

Un peu à l’écart,  peut-être par pudeur, se tenait la femme nue, toujours accoudée au dossier de sa chaise, la jambe repliée sous elle,  regardant les autres d’un petit air dédaigneux. Le chat était assis à ses pieds, (ou plutôt à son pied !) n’attendant qu’un signe pour sauter sur ses genoux. Elle aurait bien cédé mais les griffes sur sa peau nue ! Non merci.

 

La vieille femme mongole s’était rapprochée  du touareg et le surveillait du coin de l’œil. Elle n’avait jamais vu ce type d’homme, qui plus est  avec ce genre de couvre-chef !  Elle aurait bien voulu engager la conversation mais quelle langue parlait-il ? Et ce n’était pas convenable ! Il avait des yeux… perçants, qu’elle trouvait beaux, mais qui avaient un peu tendance à lorgner du côté de la femme nue. Elle ne comprenait d’ailleurs pas ce qu’il lui trouvait  ni que l’on puisse ainsi exposer sa nudité.

 

Et le bateau me direz-vous ? Il était un peu en dehors du coup ! Pour l’instant ! Il attendait la suite ! Peut-être une idylle entre les danseurs ? Une petite croisière romantique c’est tentant ! Jouer l’arche de Noé ce n’était pas pour le moment : il n’y avait qu’un chat et un cheval mais que réserveraient  les toiles à venir ? Et assisterons nous au rapprochement des peuples grâce à la vieille femme mongole et au touareg ? Cela aussi ça se fête pensait-il !

 

Ils nous le diront peut-être un peu plus tard au moment où nous apporterons notre touche finale : la signature, et qu'ils devront se séparer.

 

Mais ! Méfions-nous s'ils se retrouvent lors d'une exposition !  

 

Quand je repense à ce scénario, et je l'avoue à chaque fois que je me saisis de mes pinceaux, je me surprends à sourire béatement et à admirer ces artistes d'un jour (du moins je le croyais), reposant maintenant négligemment dans leur boîte. Mais ils sont en réalité LES ARTISTES DE L'OMBRE.

 

Sans doute grâce à ces pensées, un jour que je m'installais devant mon chevalet pour parfaire justement le visage de mon touareg, il m'a semblé que mes pinceaux voulaient se manifester.

 

- Aucun problème ai-je dit. Depuis votre origine il y a des siècles, bien des chefs-d'oeuvre ont été admirés sans que l'on songe un instant à vous en gratifier également, ce qui est totalement injuste.

 

- C'et vrai me rétorque le plus ancien. Mais nous avons toujours eu honte de notre nom d'origine et même aujourd'hui je n'ose en parler. Il est plus facile pour moi, vous le comprendrez, de dessiner les mots.

 

Et ils m'ont enfin révélé leur secret que voici, et de manière assez inattendue. Sur une toile vierge il a dessiné les vers suivants :

 

                        Pourquoi cet impérieux besoin                                        Nous avons honte de ce nom.

                        De vous parler de moi ! Du moins,                                  Nos ancêtres nous trahissons.

                        De nous ! La lignée des pinceaux.                                   Tout bien pensé PENICULUS

                        PENICULUS ! Mon dieu ce mot !                                     Ce mot là n'est plus à l'argus !

                        Le prononcer ? Plutôt me taire                                        Inconnu pour nombre de gens

                        Préférant la langue vulgaire.                                           Mais qu'impressionnent nos talents.
                        Petite queue ! Imaginez !                                              Messagers de vos émotions

                        Pinceau à merveille me sied.                                          Par votre main nous créons.

 

- Pour terminer, j'avoue que l'autre jour nous avons passé une nuit inoubliable. La femme nue n'était pas très enthousiaste et il a fallu convaincre cette vieille femme mongole qui n'avait d'yeux que pour son énigmatique touareg. Bref ! A vos airs ébahis, je pense que nous avons pleinement réussi notre tour de magie.

 

- Et oui ! Méfiez-vous si nous nous retrouvons tous lors d'une exposition...

 

FIN DE L'HISTOIRE ! Mais vous le saviez, vous, qu'ils étaient aussi poètes ?

 

 

 

LES FRERES ENNEMIS

 

Quelle belle matinée automnale !  Les feuilles s’agrippent encore désespérément aux branches, semblant implorer les derniers rayons du soleil, de les parer une ultime fois d’or, d’ambre, de rubis, de perles de rosée pour nous éblouir par la beauté de leurs teintes, si douces mais aussi si nostalgiques.


-    Eh oui ! Bientôt vos branches ne pourront plus vous retenir ! Vous devenez trop fragiles. Impuissants nous assisterons à votre dernière chorégraphie, rien que pour nos yeux : le tourbillon de la mort qui s’achève à  nos pieds.

 

-    Bon ! D’accord ! Mais c’est tous les ans le même scénario ! Au lieu de jouer au poète (n’exagère pas !) tu as des tâches pratiques qui t’attendent.

 

-    Qu’elles attendent ! Une petite ballade  serait salutaire à ma pauvre tête, fatiguée dès le matin, de pensées contradictoires. J’ai comme l’impression désagréable que l’on me parle, que l’on me presse comme un citron. J’ai beau me tourner de tous les côtés… Je suis bien seule. J’ai peut-être le cerveau dérangé ? Justement ! Concentre-toi et va jeter un petit coup d’œil là-haut.

 

-    J’en étais sûre !  ! Les voilà qui se chamaillent ces deux frères et ce n’est pas la première fois. Ecoutez-les ces deux cerveaux !

 

•    Dis donc cerveau droit ! il a bon dos l’automne. Et « gnagnagna » j’aime les couleurs. Et « gnagnagna » je me sens nostalgique. Et

« gnagnagna » une petite virée pour aérer mon cerveau. J’aime pas les ballades MOI. J’aime pas les couleurs MOI. Rien que pour me narguer tu es capable d’innover. Et pourquoi pas lui fourrer dans le crâne aussi l’envie  d’aller danser  le « Kakouette » et de prendre l’avion demain pour Tombouctou !

 

•    Eh ! Vieux cerveau gauche borné ! Tu n’aimes rien d’autre que compter, ranger, analyser. Dans ton autre vie tu devais être gratte-papier. Tu sais ! avec des lunettes rondes sur le bout de ton nez et des manchettes pour ne pas salir les poignets de tes chemises. J’oubliais ! la raie au milieu  et une petite moustache. Par contre, tu me donnes une idée géniale : je vais lui susurrer d’aller ce soir 
danser le « Kakouette ». Mais c’est quoi au juste cette danse ? Tu le sais peut-être, bien que...

 

•    Je ne le sais pas cerveau droit. Peut-être 1-2-3 : 3 pas à gauche
                                                            1-2-3 : 3 pas à droite                                                                     

                                                            1-2-3 : on tourne…

 

•    OK cerveau gauche ! Et tu appelles ça une danse ? Encore et toujours ta fichue obsession des chiffres ! Parle-moi d’une valse ! On compte d’accord mais c’est gracieux ! Oublions ! Elle ne sait pas bien danser la valse et pour le rock… Plus assez souple mais motus ! Ne va pas vendre la mèche ! 

 

•    Voilà qui est raisonnable cerveau droit ! 

 

•    Cher cerveau gauche : désolé de te décevoir, je suis assez tenté  par un petit séjour à Tombouctou. Ah Tombouctou !  « La Perle du Désert" comme « La Perle de Rosée », le sable chaud, les dromadaires pour une petite promenade dans le désert, la beauté des gazelles …

 

•   STOP cerveau droit ! Je n’aime pas avoir du sable entre les orteils. Tu m’as déjà fait le coup du dromadaire :  ce  n’est pas confortable, çà   sent mauvais et j’ai mal au cœur. Et pour peu qu’il y ait  des chacals et/ou des hyènes, rien que d’en parler j’en ai la chair de dinde.

 

•    Mais cerveau gauche ! Tu n’es pas obligé de faire ami/ami avec eux s’il y en a ! Mais peut-être qu’effectivement il y a des dindes avec lesquelles tu peux sympathiser et t’entendre à merveille !

 

•    Très drôle cerveau droit ! C’est ce que l’on appelle de l’humour à bon marché. Mais c’est quand même à moi que tu feras appel pour le calcul de tes petites envies ! Je te ferai un devis au centime près et tu te rendras vite compte que ta bourse ne suit pas.

 

•    Cerveau gauche ! je te fais confiance pour le centime. Quant à la bourse, avec de la chance elle peut se remplir.

 

•    Les jeux de hasard cerveau droit ? Tu perds toujours. Rien ne vaut un beau petit cochon dans lequel tu glisses régulièrement 10 ou 20 euros par exemple.

 

•    Mais oui cerveau gauche ! et au bout de 10 ans de petit cochon et de privations, je ne serai plus capable que de faire la Mer de Sable en fauteuil roulant.

 

•    Tu es toujours excessif cerveau droit ! Ceci dit, une journée à la Mer de Sable et dans ton état serait beaucoup moins onéreuse, certainement dépaysante et meilleure pour ta santé.

 

•    Tu raisonnes comme oncle Picsou cerveau gauche ! Et si je devais te dessiner tu aurais le visage joufflu en forme de bourse, une bouche en forme de tirelire, des yeux en 10 centimes d’euros (car pour toi il n’y a pas de petites économies). Pour les cheveux, là je coince…

 

•    Et moi cerveau droit, tu veux savoir comment je te dessinerais ? 

 

•    Prétention cerveau gauche, tu ne sais dessiner que des chiffres !

 

•    Justement cerveau droit ! Un trait vertical : bourse plate. Cà un trait vertical j’assure. Pour les yeux : + 1 centime d’euro pour le droit, (là c'est moi), - 10 000  euros pour le gauche (là c'est toi) ! 

 

•    Et pourquoi pas le contraire cerveau gauche ?

 

•    Bizarrerie du corps humain, je commande à droite et toi à gauche. Donc, moi ton œil droit j’économise avec réflexion et parcimonie,  pendant que toi tu dépenses à gauche. Tu comprends cerveau droit ?

 

•    Pas vraiment ! Mais ne répète surtout pas ! J’ai un mal de  crâne cerveau gauche…

 

•    D’accord ! Mais c’est pourtant simple cerveau droit quand on sait que le cerveau gauche (moi en l’occurrence) commande la partie droite du corps et que…

 

•    Suffit, STOP ! Et je t’impose le silence jusqu’à nouvel ordre cerveau gauche. Laisse-moi savourer en silence  cette belle matinée.

 

•    Hum… Et les tâches domestiques alors cerveau droit ? 

 


•    Oui Oui, j’ai entendu ton murmure. Pour preuve de ma bonne volonté je vais faire tourner la machine à laver le linge cerveau gauche.
        
•    Miséricorde ! Je t’accompagne cerveau droit.

 

•    De toute façon tu ne peux faire autrement cerveau gauche. Nous sommes comme qui dirait des frères siamois. 

 

•    Pour mon malheur cerveau droit. Fais attention ! Les couverts ne vont pas dans le lave-linge !

 

•    Exact cerveau gauche. Juste un moment d’inattention.

 

•    Tu parles ! Et par Toutatis cerveau droit, ne mets pas tout le bidon de lessive, il va y avoir de la mousse et des bulles dans toute la maison !

 

•    Oh ! Plein de petites bulles partout ! Irradiées par les rayons du soleil : un arc-en-ciel dans chaque bulle ! Quelle magnifique spectacle hein ! Qu’en penses-tu cerveau  gauche ?

 

•    C’est çà cerveau droit. Mets aussi dans la machine un  CD de musique classique, sait-on jamais, on aurait un son et lumière : de jolies petites bulles pleines de couleurs, volant dans l’espace sous le charme de Mozart.

 

•    Tu vois cerveau gauche que tu deviens poète à mon contact ! C’est bon ! Cà tourne ! Alors on fait quoi maintenant ? Consulte ton précieux planning.

 

•    Et bien cerveau droit ! puisque nous avons du temps devant nous et étant donné tes bonnes dispositions, il serait bon de prévoir un petit feu de cheminée pour une soirée tranquille devant un bon feu pétillant. Tu pourras te détendre en lisant ou en méditant, et moi en prévoyant la journée de demain.

 

•    Cerveau gauche ! Pour faire court, tu veux que j’aille chercher du bois ? 

 

•    Effectivement cerveau droit. Tu te charges d’aller chercher les bûches et moi je m’occupe des brindilles, du papier… Regarde où tu mets les pieds : la dernière fois tu en as vu 36 chandelles en butant sur les dents du râteau et… bing… le manche  entre les deux yeux. Ta bosse était telle qu’elle t’a fait loucher pendant des semaines.


•    Merci pour ta compassion cerveau gauche et arrête de ricaner bêtement, d’autant que : et d’1 je ne sais pas s’il y en avait 36 de chandelles, et de  2, que  les petites  bulles de lessive auraient été tout aussi jolies et bien plus légères. Sur ce, j’y vais !

 

•    Cerveau droit ! Tu es toujours en vie ? Cela fait 20 minutes que tu es parti ! 

 

•    Me voilà cerveau gauche. Mais ce n’est pas évident de fermer la porte, à clé de surcroît, avec les pieds quand on a les bras chargés.

 

•    Affirmatif cerveau droit ! Je suppose que le sol était trop bas pour que tu poses les bûches, ferme la porte même à clé et  normalement, avec tes petites mains,  reprenne ensuite les bûches dans tes petits bras pour les rapporter jusqu’ici.

 

•    J’ai fait ce que j’ai pu cerveau gauche ! Mais maintenant que tu me le dis… Bref ! Il y a un point sur lequel  nous serons d’accord : il est

12 h 30 et j’ai faim !

 

•    Tu as raison cerveau droit ! Moi aussi je meurs de faim.

 

-    Ah la bonne heure dis-je ! Même si la trêve ne dure que quelques heures c’est toujours bon à prendre.

 

-    Allons les enfants ! A table !    
 

 

J’SUIS MAL DANS MES POILS

 

Tout a commencé au mois d’Août, évidemment en pleine période de canicule. Jusque là, depuis 8 ans, ma situation était des plus confortables.

 

D’après ce que Martine (c’est le nom de ma maîtresse), m’a raconté sur mon enfance, j’ai été élevé au biberon. D’ailleurs, j’ai toujours un faible pour ce breuvage bien que ce ne soit pas très bon pour moi paraît-il !

 

Bref ! Bonne bouffe comme le dit vulgairement mon copain d’à côté, bon canapé (avec MON propre oreiller s’il vous plaît !), des jouets et surtout… des caresses !

 

Je passais donc des jours paisibles et heureux et, pensais-je, ce jusqu’à la fin de mes jours que je souhaitais fort longs, d’autant que j’étais le seul « 4 pattes » et surtout sans avoir à cohabiter avec un « 4 pattes bambin » ni un « 2 pattes gamin ». Un vrai « coq en pattes » si je puis dire !

 

Mais je suis tellement perturbé par tous les évènements qui se sont succédés ensuite que j’en oublie de me présenter. Je suis un mâle du nom de Gribouille, j’ai donc 8 ans, un beau pelage long et gris, des yeux verts, mais malheureusement avec le stress je suis un peu enveloppé. Tout bien considéré je trouve que cela me va bien : j’en impose !

 

Voilà ! Les présentations étant terminées j’en reviens au mois d’Août. Je me souviens même que c’était un vendredi (jour de poisson oblige). D’habitude on partage en trois le menu et toujours du poisson frais.  Ce jour là : sardines à l’huile pour tout le monde. J’aime pas les sardines ! C’est plein d’huile qui dégouline sur mes moustaches… Début de mon mal-être !

 

L’estomac barbouillé, je décide de m’allonger un peu. A peine le temps de savourer cet instant, j’entends :

 

  • Francis ! (le mari de Martine) range tes livres dans les cartons qui sont entreposés dans la cuisine.

 

  • OK ! Mais je ne sais pas s’il y en a suffisamment !

 

  • Il y en a d’autres sur le canapé à côté du chat !

Et cela s’est dégradé de jour en jour. Tout est devenu inhabituel. Par exemple : je me frottais souvent en ronronnant contre les jambes de Martine surtout, ce qui me valait mots tendres et caresses. Mais là…

 

  • Plus tard chaton !  J’ai encore un tas de choses à ranger dans des valises, des cartons, la vaisselle, tout le linge et les vêtements… Je ne sais plus où donner de la tête !

  •  

Et moi je ne sais plus où donner « de mes pattes » !  Et Francis qui en rajoute :

 

  • Pousse-toi chaton que je pose mon ordinateur sur le canapé. Où ai-je bien pu fourrer sa housse ! 

Ils gesticulaient de tous les côtés chacun dans leur pièce,  et plus ils s’énervaient, plus la maison ressemblait au grenier de celui des maîtres de mon copain. Un bonheur ce grenier ! Il y a des malles, des valises, des cartons : on peut y jouer à cache-cache pendant des heures !  Evidemment quand je rentre j’ai droit aux lamentations de Martine :

 

  • Regarde dans quel état  tu reviens ! Plein de toiles d’araignées et de poussière ! Viens là que je te brosse.

 

  • J’adore !

  •  

Mais je suis tellement démoralisé que je n’ai même plus envie de jouer. Et les miens de jouets, où sont-ils ? Dans l’un de leurs cartons sans doute, mais pourquoi ? Quant à mon oreiller, le seul lien qui me reste de mon heureuse vie d’avant, je le défends de toutes mes griffes.

Martine me dit un jour :

 

  • Nous allons changer de maison chaton. Tu vas voir comme tu vas te sentir bien ! Une belle cheminée devant laquelle tu pourras ronronner de plaisir, un grand jardin pour te dégourdir les pattes, et, bien sûr, ton oreiller sur le canapé.

 

Et l’on ne me demande même pas mon avis ! Et mon copain, que va-t-il devenir sans moi ? Et je ne trouverai jamais un autre copain avec un si chouette grenier ! ET JE NE VEUX PAS CHANGER DE MAISON… VOILA !

 

JE ME SUIS FAIT PIEGER COMME UN BEBE-CHAT !

 

Le soleil se levait à peine, moi de même, m’apprêtant  à me traîner jusqu’à ma petite tasse de lait frais à point  (c’est ma gâterie du matin), quand je me sens soulevé dans les airs sans avoir le temps de réagir, les yeux exorbités sans doute, les moustaches en point d’interrogation et propulsé, non, ne dramatisons pas, mais déposé un peu brusquement   disons-le, dans mon panier.

 

Quelle horreur ! Je suis claustrophobe mais nul ne s’en soucie. Ils m’ont déjà enfermé une fois ou deux dans cette cage et jamais pour une petite ballade dans les champs. Alors je griffe, je miaule mon désespoir et ma douleur (je trouve d’ailleurs que je suis très convainquant). Martine essaie de me calmer :

 

  • Nous allons dans la nouvelle maison chaton, sois sage !

 

La galère ! Je n’ai même pas pu faire mes adieux à mon copain et il ne sait même pas où me trouver.

Heureusement le trajet n’a pas été trop long. Mes pattes étaient quand même un peu en coton et mes miaulements restaient coincés dans ma gorge mais… J’étais libre.

 

Ils ont tout refait dans l’autre sens :  sortir ce  qu’ils avaient mis dans les cartons et les valises 8 jours avant et avec la même excitation. Je n’ai toujours rien compris et ne fais aucun effort d’ailleurs. Je traînais mes poils dans cette nouvelle maison, sans but, désorienté, triste. Mon copain me manquait (surtout son grenier je l’avoue), et plus triste encore, je n’avais presque plus d’appétit. Martine s’inquiétait mais Francis la rassurait :

 

  • Laisse-lui le temps de s’adapter. Tu verras que dans quelques jours il redeviendra notre chaton plein de vie et de tendresse.

 

Alors là ! N’y compte pas trop ! J’ai la rancune tenace !

 

Un jour, j’aperçois un museau, des yeux espiègles, des poils rouges derrière la vitre de la porte-fenêtre. Je fais comprendre à Martine  que je veux sortir prendre l’air.

 

  • Voilà qui est bien chaton ! Vas un peu dans le jardin.

 

Elle n’avait pas vu l’intrus.

 

  • Je m’appelle Rouquin. On va faire un tour tous les deux histoire de te faire visiter les environs ? J’ai repéré une petite maison où il y a un buffet à volonté. Au fait, quel est ton  nom ?

 

  • Je m’appelle Gribouille  et je ne demande pas mieux que de t’accompagner : je m’ennuie tellement !

 

Nous avons marché pendant des heures me semble-t-il. Etant plus sportif que moi il faisait de petites pauses en m’attendant tout en m’encourageant :

 

  • Allez ! Encore un petit effort compagnon ! La récompense est au bout du chemin. Moi j’ai l’habitude ! On m’appelle « sans toit ni loi ».

 

Le bout du chemin, le bout du chemin, le problème est là : je ne vois pas de chemin avec un bout, rien que des champs !

 

  • Tes maître t’appellent comme çà lui demandais-je ?

 

  • Je n’ai pas de maître. Ce sont mes concitoyens des environs qui m’ont donné ce nom car je n’ai pas non plus de nom. Nous y voilà ! Tu vois ? La gamelle est toujours pleine. A toi l’honneur, tu es mon invité.

 

  • C’est quoi ?

 

  • Ben des croquettes, au poulet, à l’agneau… Enfin je crois !

 

  • Je n’ai jamais mangé de croquettes mais ce petit périple m’a ouvert l’appétit. Bof ! Pas terrible ! Mais quand on a faim on mangerait même une souris.

 

  • Tu n’as jamais mangé de souris ?

 

  • J’en ai rapporté une à Martine (c’est le nom de ma maîtresse) une fois, croyant lui faire plaisir, elle s’est mise à courir dans tous les sens en hurlant. Francis (c’est son mari) est arrivé affolé et m’a fermement demandé de sortir avec mon trophée. Du coût çà m’a coupé l’envie d’y goûter.

 

  • Si j’en ai l’occasion j’en attraperai une pour toi… et moi, quand même ! En attendant, un peu de repos bien mérité et cette nuit… On fait la fête ! Il y a une grange juste là. J’ai jeté mon dévolu sur celle-là parce qu’elle est près de la cantine. Tu vois l’organisation ?

 

Pour le moment je n’avais qu’une envie : reposer mes pauvres « patounes » endolories. La fête ? Quel genre de fête ? Chaque chose en son temps. Comme me dit Martine bêtement « vas faire dodo papattes en rond ». Essayez donc de mettre en rond vos papattes même si vous ne dormez pas ! Impossible même si vous êtes souple.

 

Tout était nouveau pour moi. L’aventure pendant 2 mois. Des rencontres avec d’autres copains (le mien me manquait quand même toujours), des ballades nocturnes au cours desquelles mon compagnon m’initiait à cette vie pour moi inconnue. Il chassait ! Il me l’a rapportée d’ailleurs cette souris promise ! J’ai goûté mais je préfère mes mijotés gourmets aux petits légumes. J’ai même fait la connaissance d’une petite copine toute noire aux grands yeux verts et évidemment mon copain me chinait :

 

  • Oh « le Gribouilleux », il est amoureux !

 

  • Lâche-moi les moustaches ! D’abord j’suis pas amoureux !

 

  • Ouais !

 

Notre vie de nomade a pris fin le jour ou « notre cantine » a ouvert ses volets et que des voix humaines se sont fait entendre. Mon copain tristement m’a dit :

 

  • Je suis désolé fiston mais je crois que  nos chemins maintenant se séparent. Je vais reprendre ma vie errante, j’y suis habitué et j’aime cette vie de liberté, même si je ne mange pas tous les jours à ma faim et ne dors pas toutes les nuits au chaud. Toi tu vas rejoindre Martine. On a fait un beau bout de voyage ensemble et tu vas me manquer. Pense à moi de temps en temps et qui sait… Un jour… A une croisée de sentiers…

 

-     Toi aussi tu vas me manquer ! Contrairement à toi je pense que je ne suis pas fait pour cette vie là mais cette escapade restera un souvenir inoubliable… Sans compter la souris !

 

Et voilà ! Une belle histoire prend fin ! Mais qu’est-ce que je deviens moi ? Quoi faire ? Où aller ? Martine m’a certainement oublié et j’avoue que je suis un peu perdu, même pour retrouver cette nouvelle maison. Et si j’allais rendre une petite visite aux propriétaires des lieux ? Mais attention ! il faut que tu présentes bien : petits miaulements timides, frottements tout en douceur sur les mollets, petits regards discrets vers la cuisine pour faire comprendre que j’ai une petite faim, ce qui est le cas, et je crois même que je suis devenu boulimique : c’est le stress ! CA MARCHE :

 

  • On dirait qu’il a faim. Mais d’où sort-il ? Il a un poil d’un beau gris, de beaux yeux, mais il est un peu enveloppé !

 

  • 1ère réponse : oui j’ai faim. 2e réponse : je ne sais plus trop d’où je viens. Enfin, je sais que je suis beau et modeste et  oui je suis enveloppé mais c’est le stress et même si mes poils sont beaux je suis mal dedans. A part çà, j’espère qu’il y a autre chose que des croquettes ! Youpi ! C’est le cas : pâté aux foies de volailles ! A croire qu’ils m’attendaient. Finalement un petit séjour ici (ou même un grand) ne serait pas désagréable.

 

Il faut que je repère un endroit tranquille pour la sieste : canapé, fauteuils, lits… du choix pour le pacha ! J’inspecte discrètement les lieux et comme personne ne me dit rien, j’opte pour le canapé, carrément !

 

Je crois que je suis adopté. Il faut dire que je ne suis pas avare de mes ronronnements et je me laisse dorloter avec délice. J’ai toujours des croquettes au menu mais mélangées soit avec un peu de poulet, de crevettes, de thon… c’est assez varié, et surtout, j’ai aussi ma petite tasse de lait. Que demander de plus à ma vie de chat ?

 

Pourtant, quelque chose me tracasse : pourquoi me tripote-t-on l’oreille droite quelquefois ? Je ne vais pas me rendre malade pour cela d’autant que je me sens moins stressé.

 

Mais un matin (J’ai remarqué que les catastrophes se produisaient souvent le matin !) je vois arriver LE PANIER ! Comme l’autre fois je suis poussé à l’intérieur sans ménagement, embarqué dans une voiture. Je miaulais de peur et d’angoisse : où m’emmenait-on et pourquoi ?

 

J’ai attendu des heures ou presque dans cette cage. Mais je n’étais pas le seul, ce qui me rassurait un peu, même si les autres 4 pattes n’avaient pas non plus un air joyeux. Enfin ! Je sens que l’on soulève ma prison et je me retrouve devant un humain en blouse blanche, à première vue pas désagréable, mais Oh… Qui soulève ma queue, de quel droit je vous prie ? Et, c’est une manie ! qui me tripote aussi l’oreille droite. Il semble avoir trouvé quelque chose mais là aussi je ne m’inquiète pas. Ce qu’on peut être innocent parfois !

 

Je suis rassuré, je n’ai pas souffert mais quand même ! Et c’est presque avec plaisir que je retrouve mon panier pour le retour à la maison. Maintenant c’est ma maison, du moins je le croyais jusqu’à…

 

3 jours plus tard ! Arrive une dame qui ne m’est pas inconnue mais qui est-ce ? Ah non ! Elle aussi tient un panier ! Ils ne vont pas me faire ce coup-là tous les jours d’autant que mon stress revient, je le sens ! Je fais des rêves affreux : je suis enfermé, je ne peux plus respirer, et un homme en blouse blanche ricane en me regardant me débattre en vain, et il le sait ce sadique, à coups de griffes et de miaulements. Je boude presque ma gamelle, ce qui est très mauvais signe. Mais je le sens venir ce nouveau séjour dans ce panier ! J’ai un flair qui ne trompe pas !

 

Mais Moi je veux rester dans ma maison. Elle a l’air gentille cette dame mais je ne veux pas qu’elle m’emmène. Je me débats comme un pauvre chat et je miaule ma colère.

 

  • Viens Gribouille, c’est maman Martine, je te ramène dans la nouvelle maison.

 

Je savais bien que je la connaissais cette dame. Martine bien sûr ! Je ne peux plus rien faire, je suis vaincu, anéanti. Je ne peux même plus miauler ma peine : j’étais bien ici ! Dites ! si je ne me plais pas dans la nouvelle maison, je pourrai revenir ?

 

Je commence à bien les connaître ces humains ! Et dans leur regard triste, j’ai lu un OUI, tout en majuscules et en couleurs.  

      

Alors ! Ce n’est peut-être pas un adieu mais un au revoir !

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